18/03/2020 - Portraits

par serge vanmaercke

Explorateur de pensées

Bertrand Piccard

Depuis le premier tour du monde en ballon sans escale, à bord du Breitling Orbiter 3 en 1999, Bertrand Piccard est connu sous le nom de « Savanturier ». Issu d’une lignée d’explorateurs, cet humaniste, psychiatre de formation, défend des valeurs qui visent à améliorer la qualité de vie de l’être humain et à préserver l’environnement de notre planète, rencontre.

Longines World’s Best Racehorse

Né à Lausanne en Suisse, Bertrand Piccard est devenu lui-même un héro comme ceux qu’il a fréquentés dans sa famille et parmi les amis de sa famille. Médecin psychiatre, psychothérapeute et hypno-thérapeute, sa thèse de doctorat sur « La Pédagogie de l’Épreuve » avait été primée à la Faculté de médecine de Lausanne. Un signe précurseur, dans le parcours de celui qui sera à jamais tenté par l’impossible.

Humaniste autant qu’explorateur, c’est l’esprit de pionnier et de dépassement de soi qui l’anime. Il préside deux fondations – l’une humanitaire Winds of Hope et l’autre environnementale, Solar Impulse. D’où l’intérêt pour une marque comme Breitling de le soutenir.

Marié à Michèle et père de trois enfants, Bertrand Piccard vit dans les environs de Lausanne. Son grand-père et son père ont conquis la stratosphère et les abysses. Bertrand était donc prédestiné à poursuivre l’une des plus grandes aventures familiales du XXe siècle.

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Professeur Tournesol

Connu pour ses exploits dans la stratosphère et au fond des mers, Auguste Piccard (1884-1962), est un physicien qui a testé lui-même toutes ses inventions : notamment la capsule pressurisée et le ballon stratosphérique. Ami d’Albert Einstein et de Marie Curie, Auguste Piccard a aussi découvert l’Uranium 235. Hergé s’en est inspiré pour créer le personnage du Professeur Tournesol. La ressemblance est frappante.

Mais Hergé n’est pas le seul lien que la famille Piccard entretient avec la Belgique, puisque Auguste Piccard y créa aussi l’Institut de Physique à l’Université Libre de Bruxelles, ville où naîtra en 1922 son futur explorateur de fils : Jacques. C’est par ailleurs le Fonds national Belge de la recherche scientifique, qui financera la construction du ballon avec lequel Piccard atteindra la stratosphère jusqu’à 16.201 m d’altitude en 1931 et 1932, devenant ainsi le premier homme à voir de ses propres yeux la courbure de la Terre.

Le fils Jacques ayant grandi, Auguste s’attellera avec lui, à la construction du bathyscaphe Trieste. En plongeant avec Jacques à 3.150 m de profondeur en 1953, Auguste Piccard devient l’homme des extrêmes, celui à être à la fois monté le plus haut et descendu le plus bas. Tel père, tel fils : Jacques Piccard (1922-2008), fils d’Auguste et père de Bertrand, deviendra lui, pionnier dans l’océanographie autant que dans la protection de l’environnement. Il décrochera ainsi le titre d’homme « le plus profond du monde » en touchant avec l’Américain Don Walsh, le fond de la Fosse des Mariannes, la partie la plus profonde de la croûte terrestre à 10.916 m sous l’eau, dans la partie nord-ouest de l’Océan Pacifique à proximité des îles du même nom.

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Dans la lignée familiale Pas évident donc, pour Bertrand Piccard, de mieux faire. Or ce précurseur en Europe du deltaplane et de l’ULM dès les années 1970 – il deviendra champion d’Europe de voltige en aile delta en 1985 – ne décevra pas la famille. Il remportera, lui, une transatlantique en ballon avec le belge Wim Verstraeten en 1992, il effectuera le premier tour du monde sans escale en ballon en 1999 et volera en 2015-16 autour de la terre dans un avion nourri à l’énergie solaire. Et son palmarès sera loin de s’arrêter là, tenant compte de la pêche avec laquelle l’homme nourrit des projets futurs. Rencontre.

RoadBook – N’avez-vous jamais ressenti les exploits de votre père et de votre grand-père comme une pression pour en faire autant, quand vous étiez petit garçon ?

Bertrand Piccard – Une pression ? Jamais. Pour moi, c’était plutôt une voie à suivre, un exemple. C’était fantastique pour moi, d’être un explorateur qui sort des chemins battus, et qui essaye de réaliser l’impossible : la seule manière de vivre pour moi. Entouré comme je l’étais, en tant qu’adolescent, je m’étonnais évidemment de voir si peu d’explorateurs dans la vie de tous les jours hors de chez moi.

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Tous les petits garçons rêvent de leurs héros...

Moi je les rencontrais. Vers 10 ou 12 ans, je dévorais des livres et des journaux sur la conquête de l’air et de l’espace. Et il m’arrivait de rencontrer chez moi, quelques jours plus tard, les héros dont il était question dans ces médias. J’ai rencontré Charles Lindbergh au décollage d’Apollo XII, j’ai rencontré la plupart des astronautes du programme spatial américain, puisque j’ai assisté aux lancements d’Apollo VII à XII. J’ai rencontré Jacques Mayol, le plongeur apnéiste français qui a inspiré le film le Grand Bleu à Luc Besson. Il venait en vacances chez nous quand nous habitions en Floride.

Tout cela a nourri votre envie de devenir vous-même explorateur ?

Complètement. Ces explorateurs, ces astronautes, ces pionniers n’étaient pas des surhommes pour moi. Ils prenaient le temps de m’expliquer ce qu’ils faisaient et de me convaincre que c’était la passion, la persévérance et l’entraînement qui permettaient de réussir.

Vous ne vous êtes jamais révolté contre cette voie toute tracée qui s’ouvrait à vous ?

J’avais un père et une mère très différents. Mon père Jacques, était un explorateur scientifique et ma mère Marie-Claude, était une chercheuse du sens de la vie dans les domaines philosophique et spirituel. J’ai combiné les deux. Je suis devenu psychiatre, psychothérapeute et hypno-thérapeute – à ne pas confondre avec l’hypnotiseur qui propose des spectacles dans un cirque. J’étais donc très intéressé par l’âme humaine, inspirée du côté maternel, mais avec l’angle explorateur, plutôt paternel. L’hypnose était par exemple un domaine tout à fait nouveau quand je m’y suis intéressé : elle était considérée comme marginale, non-scientifique et donc exclue de l’enseignement médical académique. Je me suis formé en médecine traditionnelle chinoise aussi. J’ai donc systématiquement exploré des aspects de la médecine qui étaient rejetés par la médecine académique.

D’où vous venait cette curiosité ?

Je l’ai toujours eue sur le plan spirituel. A 5 ou 6 ans, j’avais déjà des conversations spirituelles avec ma mère. Mais le désir d’aller au-delà des certitudes, des habitudes et des croyances dans d’autres domaines m’est venu des contacts avec les astronautes et des explorateurs que j’ai rencontrés comme enfant. Ces gens-là faisaient des choses qui étaient considérées comme impossibles avant qu’ils ne les aient faites. Et ils réussissaient. Ils ont aboli pour moi la notion d’impossible. Enfant déjà, je ne voyais plus de fossé du tout, entre le rêve et la réalité possible. Il me suffisait donc de rêver quelque chose pour que cela puisse se réaliser. Je n’oublierai jamais le moment où j’ai vu la fusée Apollo 11 décoller pour la lune. J’avais 11 ans à l’époque. Wernher von Braun, l’inventeur des fusées Apollo et ami de la famille, m’avait invité à suivre le lancement à Cap Canaveral. Je me disais alors que ces astronautes avaient un rêve plus grand que leur peur d’échouer. Ces héros osaient l’impossible. Ils entreprenaient quelque chose qu’aucun homme n’avait jamais fait avant eux. C’est cela l’esprit pionnier. Ce moment a été un des tournants de ma vie.

Avec une réalité dépassant la fiction au quotidien, aviez-vous encore des rêves d’enfant ?

J’ai eu une boussole dans la tête, ou plutôt dans le cœur, avec une aiguille qui, au lieu de montrer le Nord, montrait l’inconnu. Chaque fois qu’un phénomène nouveau se présentait à moi, je voulais l’essayer. La seule chose que je n’ai pas essayée, c’est la drogue parce que là, j’estime que le bénéfice est inférieur au risque. A 16 ans, je n’avais pas de permis de conduire, mais je volais en aile delta à 3.000 m d’altitude. Puis je suis passé à l’ULM, j’ai participé à une course transatlantique en ballon en 1992 avec le Belge Wim Verstraeten qui m’avait proposé de l’accompagner. J’ai évidemment dit oui. Je me suis former au pilotage d’un ballon. Et nous avons gagné la course. Et c’est là que j’ai vraiment commencé à rêver d’impossible : maintenant que j’avais réussi ça, je voulais faire le tour du monde sans escale. J’avais 34 ans. Comme mes héros d’enfance, j’étais prêt. Jusque-là, je gagnais ma vie comme psychiatre à Lausanne. Ce n’était plus suffisant.

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Vous vous y êtes préparé comment ?

J’ai commencé par contacter Breitling qui m’avait déjà aidé pour la traversée de l’Atlantique. Avant la reprise de Breitling par sa famille en 1979, Teddy Schneider travaillait chez Ebel où ma femme était responsable de la publicité. Ils se connaissaient. Comme j’adore les montres, j’avais envie d’avoir des sponsors horlogers. Et c’est ma femme qui m’a convaincu que j’étais en plein dans le créneau Breitling. J’ai donc appelé Teddy Schneider, par hasard le jour de son anniversaire, il était particulièrement de bonne humeur. Il a assez rapidement marqué son accord pour me soutenir. Il faut dire que Breitling avait profité d’une belle visibilité lors de notre victoire transatlantique. Ça aide. Par loyauté, j’avais mis des logos Breitling aux endroits les plus stratégiques. Et les retombées avaient été assez fantastiques. Pour Teddy, un tour du monde en ballon sans escale était totalement dans l’esprit Breitling. Bien plus qu’un sponsor, la marque a été un vrai partenaire dans cette initiative. Et Teddy s’est montré très loyal car avant de réussir, l’entreprise a été confrontée à deux échecs. Lorsque Georges Kern a repris la direction de la Maison en 2017, le partenariat ne s’est pas interrompu. Georges n’était pas un inconnu pour moi puisque je suis aussi ambassadeur de la Fondation Laureus Sport for Good, soutenue par son ancienne marque, IWC. Je me suis donc dit que Breitling restait en mains amies avec la venue de Georges.

Quelles connotations vous viennent à l’esprit quand vous pensez à vos exploits ?

La persévérance et la curiosité. Deux valeurs qui m’ont été inculquées et que j’essaye de transmettre, avec la valeur de respect. Car sans le respect, les succès n’ont aucune valeur. Tout ce qu’on fait doit être utile aux autres. Tout ce qu’ont fait mon père et mon grand-père devait selon eux, être utile pour l’humanité. Sur le plan de l’environnement notamment. Quand mon grand-père est monté pour la première fois dans la stratosphère en 1931, son but a été de montrer que l’on pouvait voler dans de l’air raréfié et par conséquent, consommer moins de carburant. Quand mon père est descendu à plus de 11.000 m de profondeur sous l’eau dans la Fosse des Mariannes, il voulait démontrer qu’il y avait de la vie dans les plus grandes profondeurs marines, là où des gouvernements voulaient aller déverser leurs déchets radioactifs.

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Comment gérez-vous l’espoir de la réussite et la crainte de l’échec avant de vous lancer dans une aventure de l’impossible ?

Rien n’est possible sans accepter ces deux états d’esprit. Pour le tour du monde en ballon, je n’aurais jamais supporté de me pencher sur mon passé en me disant que j’aurais peut-être dû essayer une troisième fois après l’échec des deux premières. Je me suis beaucoup projeté dans le futur en me demandant ce que je voulais voir réalisé. Si on n’accepte pas le risque de rater, si on n’exerce pas sa persévérance et qu’on ne réessaye pas, si on n’invente pas de nouvelles solutions pour procéder différemment, on ne réussira jamais.

Que vous ont apporté vos exploits sur le plan personnel ?

Ils m’ont procuré la crédibilité pour me faire entendre dans ce que j’ai envie de dire. Et tout ce que je réalise maintenant avec ma Fondation Solar impulse, est le résultat direct de ce que j’ai toujours voulu obtenir. Je sélectionne des solutions pour protéger l’environnement. Je les soumets à des gouvernements et à des chefs d’État. Et parce que je suis un explorateur reconnu, le monde politique et le monde institutionnel m’écoutent. Je suis ambassadeur des Nations unies pour l’environnement et plusieurs gouvernements ont demandé à ma Fondation de les aider à trouver des solutions pour accomplir leur objectifs environnementaux dans une transition énergétique. Parmi eux, le gouvernement wallon. Je n’aurais jamais pu en arriver là si j’étais resté médecin dans mon cabinet à Lausanne.

Votre formation de médecin a-t-elle néanmoins joué un rôle dans la vie professionnelle que vous menez maintenant ?

Si j’avais été ingénieur, je me serais plus orienté vers la technologie et moins vers le côté humain, ce qui est une conséquence directe de ma formation. La technologie doit être au service de l’humain. Et non l’inverse. L’être humain est confronté aujourd’hui à un choix fondamental : un court-terme qui va détruire la planète ou alors le développement de valeurs spirituelles qui replacent la vie dans un contexte plus grand, incitant à faire le bien. Des solutions technologiques existent bel et bien pour améliorer la qualité de vie de l’humanité, pour lutter contre les changements climatiques et pour protéger l’environnement tout en rapportant des gains immédiats, une rentabilité, des créations d’emplois... En permettant dans le même temps aux politiques, d’être réélus.

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La poursuite de votre engagement serait-elle possible sans le soutien d’une Maison comme Breitling ?

Breitling continue heureusement de m’accompagner via ma Fondation. Au départ c’était surtout l’esprit pionnier qui séduisait Breitling, attiré par le monde de l’aviation. Aujourd’hui, avec le concept des Squads on a Mission qui est le leur, il est davantage question d’une mission humaniste à soutenir pour améliorer la qualité de vie, la protection de l’environnement et des océans, le développement personnel, le sport, etc. Et cette évolution me plaît beaucoup. Dans l’optique Squad on a mission, c’est la marque qui soutient l’ambassadeur. Dans l’optique publicitaire précédente, c’était le contraire.

Qu’est ce qui vous motive pour continuer à faire ce que vous faites ?

La liberté d’action qui est la mienne et l’utilité de ce que je fais sont les moteurs de ma motivation. Je suis un explorateur des différentes manières de d’envisager une pensée.

Vous connaissez bien la Belgique.

Je suis très proche de la Belgique. J’y donne régulièrement des conférences. Mon grand-père y a créé l’Institut de Physique à l’ULB. Mon père est né à Bruxelles en 1922. Luc Trullemans de l’IRM m’a guidé au-dessus de l’Atlantique en 1992, autour du monde en 1999 et avec Solar Impulse en ­2015-16. Solvay a également été notre premier partenaire pour le projet Solar Impulse. Ma famille est par ailleurs très liée avec la famille royale belge, depuis trois générations. Mon grand-père était ami avec les rois Albert Ier et Léopold III, mon père, avec le roi Baudouin et moi-même, je suis un ami d’enfance du roi Philippe.

Revenons sur le plancher des vaches : vous êtes plutôt voiture ou cheval ?

Je suis partisan de la voiture électrique. J’aime les technologies. Mais les technologies propres. Je roule avec une Hyundai Kona 100% électrique avec plus de 400 km d’autonomie. Je trouve ça extraordinaire. Je la recharge chez moi sur une borne alimentée à 100% en énergie équitable. L’avenir est à la voiture électrique mais je ne sais pas encore si son moteur sera alimenté par une batterie ou par des piles à combustible hydrogène. Le moteur électrique peut arriver à 97% de rendement alors que le moteur à combustion n’arrive qu’à 27%. Continuer à perdre ¾ de l’essence qu’on met dans son réservoir à cause des forces de friction, de résistance et d’échauffement est aberrant. Le moteur thermique, il faut arrêter ça maintenant.

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