15/01/2018 - Reportages

par Nigel Grimshaw
Photos: Matthew Howell

Thunderflite

Le futur vu d’hier

Retour vers les années cinquante et soixante, lorsque tous les concepteurs automobiles américains imaginaient un avenir où les citoyens de l’ère spatiale seraient propulsés à bords de voitures à réaction à la Flash Gordon. Dean Arnold, constructeur automobile d’expérience, revient sur sa vision futuriste de l’époque...

par Nigel Grimshaw
Photos: Matthew Howell

Thunderflite

Le futur vu d’hier

Retour vers les années cinquante et soixante, lorsque tous les concepteurs automobiles américains imaginaient un avenir où les citoyens de l’ère spatiale seraient propulsés à bords de voitures à réaction à la Flash Gordon. Dean Arnold, constructeur automobile d’expérience, revient sur sa vision futuriste de l’époque...

Longines World’s Best Racehorse

ELLE VENAIT DE LOIN

Une tornade de poussière, un gigantesque sillage... ou peut-être une trainée d’avion ? Difficile à dire avec certitude. Mais seconde après seconde, centimètre après centimètre, plus elle s’approchait, mieux on discernait la forme qui précédait le nuage. Elle ne ressemblait pourtant à rien de ce que l’on connaissait. Cloués sur place, nous observions son implacable progression sur la surface lunaire du lac El Mirage. L’engin extraterrestre, création irréelle, étincelante, flamboyante, parcourait le lac asséché : calandre aiguisée ; lignes balayées ; toit transparent. Mais de quoi s’agissait-il ? D’un vaisseau spatial ? D’un avion ? D’une sorte de navette terrestre à réaction ne fonctionnant qu’avec un moteur à impulsion ?

Elle venait de loin. Une tornade de poussière, un gigantesque sillage... ou peut-être une trainée d’avion ? Difficile à dire avec certitude. Mais seconde après seconde, centimètre après centimètre, plus elle s’approchait, mieux on discernait la forme qui précédait le nuage. Elle ne ressemblait pourtant à rien de ce que l’on connaissait. Cloués sur place, nous observions son implacable progression sur la surface lunaire du lac El Mirage. L’engin extraterrestre, création irréelle, étincelante, flamboyante, parcourait le lac asséché : calandre aiguisée ; lignes balayées ; toit transparent. Mais de quoi s’agissait-il ? D’un vaisseau spatial ? D’un avion ? D’une sorte de navette terrestre à réaction ne fonctionnant qu’avec un moteur à impulsion ?

Le regard de l’Amérique de la fin des années quarante, des années cinquante et soixante, après la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, était entièrement tourné vers l’avenir et ses promesses. Les élégants chasseurs à réaction sillonnaient le ciel à toute vitesse, les avions de ligne étaient toujours plus imposants et toujours plus rapides, et les terminaux intercontinentaux futuristes se multipliaient à travers la nation. Et bien sûr, il y avait l’espace et ses promesses de fabuleuses stations orbitales, et ce voyage vers la lune, déjà mythique.

Dean Arnold s’extrait de la Thunderflite, véhicule futuriste au toit de verre arrondi et me dit en souriant ! ‘Ma femme et moi avions dessiné la voiture sur une serviette’. Nous tentions d’imaginer comment, à la fin des années cinquante et au début des années soixante, les choses auraient pu se passer si General Motors avait pu construire la voiture de ses rêves.’ A l’époque, des hommes comme Harley Earl, directeur artistique chez General Motors depuis 1927, proposaient une vision élégante du futur à un public véritablement assoiffé de nouveautés. Un futur qui, malheureusement, ne s’est toujours pas réalisé. Aux yeux du monde entier, les Club de Mer, Golden Rocket et autres Buick Centurion de 1956 semblaient dotées de la puissance d’une fusée et prêtes à léviter à tout moment. Malheureusement, la flambée des coûts et les nouvelles stratégies marketing ont mis un terme à tous ces rêves. Pourtant, des années plus tard, cette ère visionnaire a profondément inspiré Dean Arnold...

‘Je me demandais toujours ce que cela aurait pu donner, si Ford Motor Division avait décidé de construire sa propre voiture du futur’ poursuit Arnold alors qu’il dépoussière le toit de verre. « Quelle aurait été exactement leur vision d’une Thunderbird radicalement nouvelle dans les années soixante ?’ Il faut reconnaître que la question ne manque pas d’intérêt.

L’engin extraterrestre, création irréelle, étincelante, flamboyante, parcourait le lac asséché : calandre aiguisée ; lignes balayées ; toit transparent. Mais de quoi s’agissait-il ? D’un vaisseau spatial ? D’un avion ? D’une sorte de navette terrestre à réaction ne fonctionnant qu’avec un moteur à impulsion ?

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L’engin extraterrestre, création irréelle, étincelante, flamboyante, parcourait le lac asséché : calandre aiguisée ; lignes
balayées ; toit transparent. Mais de quoi s’agissait-il ? D’un vaisseau spatial ? D’un avion ? D’une sorte de navette terrestre à réaction ne fonctionnant qu’avec un moteur à impulsion ?

« Sur cette serviette, ma femme et moi avons essayé d’imaginer ce à quoi aurait pu ressembler le concept Ford. Nous avons imaginé une forme extérieure élégante et pure, dotée d’ailes recouvrant les quatre pneus’ poursuit Dean. « Le résultat ! une carrosserie rappelant le fuselage d’un avion, équipée d’ailerons qui semblaient surgir de partout.’

Dean et sa femme ont continué à travailler à leur rêve. Ils l’ont doté de sièges finement sculptés qui semblaient tout droit sortis d’un projet d’avion de chasse top secret. Bien sûr, les commandes et compteurs devraient avoir le même aérodynamisme. Enfin, la voiture serait surmontée de deux coupoles en verre.

Vint ensuite l’étape où construire le rêve devenait une nécessité. « Nous avions imaginé un scénario selon lequel Ford se serait rendu compte, dans les années soixante, que le monde changeait et aurait abandonné son concept élaboré et futuriste’ continue Arnold, tout en scrutant les détails parfaits et élégants de la Thunderflite. « Ce scénario suggérait que Ford ne pouvait pas dévoiler la voiture construite, car ils seraient totalement en décalage avec la tendance actuelle.’

« Finalement, dans le dernier chapitre de notre fiction, Ford mit son concept au placard et l’oublia complètement. Cependant, comme souvent dans la réalité, avec les années, une légende s’installa autour du projet oublié depuis longtemps’. Un sourire éclaire le visage de Dean lorsqu’il se souvient de son concept « Et si ?’ « La dernière pièce du puzzle conte l’histoire de Suzie et Dean Arnold qui découvrent la voiture et décident de la restaurer dans son état d’origine.’

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Muni du croquis réalisé sur la serviette et de son scénario de fiction, Dean est allé frapper à la porte de Don Johnson. Don est un consultant indépendant spécialisé dans la conception d’automobiles et de yachts. Son expérience aux côté d’entreprises de renom et les nombreux projets variés et complexes sur lesquels il a travaillé font de lui le partenaire idéal pour réaliser le concept Thunderflite. Sur la base du croquis de Dean et Suzie, Johnson élabore toute une série d’études de design, en attachant une importance particulière à tous les détails décisifs pour l’avenir du projet. Les idées s’assemblent doucement, jusqu’à obtenir une série de croquis signifiant que le véritable travail va pouvoir commencer.

« Nous avons trouvé la voiture de base et l’avons achetée pour environ 500 euros’ dit Arnold alors que ses yeux parcourent mentalement le document de construction. Heureusement, la Thunderbird n’a aucun secret pour Dean. « J’en ai effectivement construit une il y a quelques années, en utilisant un toit de Starliner de 1961. Tous les magazines en parlaient. Ensuite, peu de temps après, nous avons construit une seconde T-Bird.’ En réalité, Dean Arnold a construit des voitures pendant 40 ans. Son premier trophée, il l’a décroché à l’âge de 13 ans à Tacoma, dans l’Etat de Washington, pour les plus belles peinture et décoration sur une course de caisses à savon. Le design de la voiture constituait clairement la partie la plus décourageante du projet. « Le plus gros problème n’était pas de créer la forme initiale’ explique Dean en grimaçant au souvenir des milliers d’heures de travail nécessaires à la construction de sa Thunderflite. « Le plus difficile et le plus long fut de dessiner des courbes fluides et nettes... et nous n’avions pas encore les coupoles en verre !’

Dean a construit pratiquement toute la voiture d’El Mirage à la main, y compris les ailerons et le pare-choc avant. Il a passé des journées entières à raccourcir, étirer et travailler la tôle sur sa Roue anglaise pour obtenir un concept parfait et donc, crédible. Et lorsque l’on jette ne serait-ce qu’un œil rapide aux photos, il est évident que la Thunderflite relève autant de l’art que de la mécanique. Prenons par exemple les détails « perforés’ entre les deux coupoles. Dean hoche la tête au moment où je mentionne ce détail. « L’inspiration m’est venue de 20 000 Lieues sous les Mers et du sous-marin Nautilus du capitaine Nemo’ dit-il en souriant. « A l’époque, on m’avait dit que la voiture n’en avait pas besoin et que j’étais dingue de l’envisager. Je leur ai répondu ! “vous verrez”. Résultat ! aujourd’hui, tout le monde s’émerveille devant ce détail.’

Abandonnons pour l’instant le design. La thunderflite de Dean est équipée d’un moteur V8 202ci chromé aux accents rouge métallisé, de flexibles Koolflex et d’un ventilateur et radiateur Flex-A-Lite. Un collecteur d’admission Holley et un carburateur 650 sont placés par-dessus. La voiture est également équipée d’un double pot d’échappement Cherry Bombs. La transmission est d’origine mais légèrement modifiée, et le train arrière indépendant provient d’une SHO Thunderbird de 1994. Le véhicule est doté de freins à tambours à l’avant et de freins à disques à l’arrière.

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Malgré l’inévitable difficulté de la besogne, le projet avançait bien. « Les semaines et les mois s’écoulaient’ se souvient Dean, « et peu à peu, notre rêve était de plus en plus sur le point de devenir réalité’. Et Suzie Arnold acquiesçait, de tout son cœur. Malheureusement, le décès tragique et soudain de Suzy, l’épouse de Dean et la mère de ses cinq magnifiques filles, marqua un tournant dans la vie de ce dernier. Malgré la douce chaleur des rayons du soleil sur nos visages en cette fin d’après-midi, l’émotion nous submerge à l’écoute du récit déchirant de Dean sur la perte de son épouse. Et ici, sur le lit du lac asséché El Mirage, on comprend qu’elle lui manque toujours énormément, mais qu’avec l’aide de son ami et confident Mark Schofield, il est parvenu à surmonter cette tragique épreuve.

Lorsque l’on fait le tour de la Thunderflite, plusieurs éléments sautent aux yeux. Premièrement, quelque soit l’endroit où l’on regarde, ses courbes sont naturelles et irréprochables. Deuxièmement, la peinture House of Kolor laisse à penser que la voiture a été taillée dans un bloc solide d’aluminium. Et enfin, ce fameux double toit en forme de bulle. Dean ne cache pas que la question de l’argent a posé problème tout au long du projet et que ce toit futuriste n’a pas pour ainsi dire amélioré les choses. « Quand nous avons commencé, nous pensions que le toit en forme de bulle serait une simple formalité, quelque chose que tout le monde avait déjà fait’ nous confie Dean avec un petit rire narquois. « Mais en réalité, il nous a fallu trois mois pour fabriquer ce fameux toit. Après dix tentative infructueuses, nous avons découvert l’entreprise Flex-A-Lite, qui nous a aidé à obtenir ce résultat.’

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Une fois terminée, la Thunderflite a été exposée au SEMA show, à Las Vegas. Si Dean a construit de multiples voitures et présente un nouveau projet au SEMA show chaque année depuis 1988, ce projet-ci est quant à lui unique. « La Thunderflite est l’une des voitures les plus photographiées parmi toutes celles que j’ai construites, et les réactions à Las Vegas ont été incroyables’. La fierté qu’éprouve Dean est clairement perceptible. « En réalité, nous n’avons pas pu nous en approcher pendant le show’. Cerise sur le gâteau, un sondage a élu la Thunderflite voiture la plus cool parmi toutes les voitures exposées. Les succès du début gardent aujourd’hui une place à part dans les souvenirs de Dean, mais ce voyage à El Mirage fut, à juste titre, un moment d’émotions intenses. Car en cette journée, il a pris le volant de la Thunderflite pour la première fois. Et c’est ici, sur ce lac asséché, qu’il a enfin eu le temps et la place afin de profiter de sa réalisation. Et ses pensées sont allées vers Suzie, et le plaisir qu’elle aurait éprouvé à la vue de la Thunderflite s’élançant sur le lac. « J’étais tellement heureux d’être au volant de cette voiture pour la première fois et de pouvoir la piloter », dit Dean en souriant, « mais j’éprouve aussi beaucoup d’autres sentiments ».

« Le plus étrange, c’est cette impression de voler. La suspension air-ride permet aux roues de tourner librement et l’optique du toit de verre est parfaite, même si je devrais peut-être l’équiper d’une caméra de recul ! » La devise de Dean Arnold est la suivante : ne laissez jamais tomber, n’abandonnez jamais, faites de votre mieux et Dieu fera le reste. A l’évocation de tout ce que Dean a réalisé et de toutes les étapes qu’il a dû franchir pour faire de la Thunderflite ce qu’elle est aujourd’hui, je ne peux concevoir de phrase plus adaptée.

Cet article est respectueusement dédié à la mémoire de feu Suzie Arnold.

Tous nos remerciements à Dean Arnold et Mark Schofield.

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